Roman
call-Girl
* Alexandre * (8)
Je continuais ma route jalonnée d'amants et de maîtresses passagers, de nuits blanches enfumées. Une route pavée d'oisiveté lascive.
Et je rencontrai un homme marié, beau comme la lune. Tres grand, blond comme un suédois, les traits bien dessinés, les yeux verts pour faire danser la lumière,
la bouche invitante, le corps sûr de son charme. J'étais sous le choc. Je le voulais. J'eus envie d'inventer un jeu. Je l'abordai directement.
---Alex, je veut baiser avec toi. Mais je suis femme à être toujours la première. Tu ne viendras pas coucher avec moi pour partir à deux heures de la nuit retrouver ta femme.
Lorsque je fais l'amour à un homme, je veux prendre le petit déjeuner avec lui. Je veux toute une nuit de caresses.
Je le savais autant attiré par moi que je l'étais par lui. L'attirance physique se devine instantanément. Lorsque je lui parlais, je sentais une chaleur bien connue se répandre dans mes entrailles.
Comme si mon sexe s'éveillait et s'ouvrait à la recherche de l'autre. Ce gentil petit animal indompté avait reconnu son partenaire. Sûr de lui, il saisissait le trouble de l'autre, se soumettait à son magnétisme sensuel.
Les exigences que j'imposais à Alex, c'était un peu les règles subtiles d'un jeu d'attentes entre ma bête et moi.
Une bravade qui mesurait le degré du désir de cet homme.
Mais mon beau blond, bien déterminé à écorner avec moi son contract de mariage, me prit au pied de la lettre.
Trois jours-trois soirs plutôt- après le coup de foudre, il entrait dans mes draps pour une nuit entière. Et la nuit déborda sur une journée puis sur une autre nuit.
Sans parler des débordements auxquels nous nous prêtâmes, bien décider à obéir sans conditions aux humeurs chaleureuses de nos appétits.
Enhardi de sa passion toute neuve, Alex rentra chez lui, expliqua tout ; le contrat de mariage avait perdu quelques morceaux.
L'autre partie au contrat eut des exigences curieuses.
Elle aussi avait l'idée saugrenue d'être la première. Et elle décréta une confrontation, sur son territoire.
Quelle scène ! J'acceptai bien sûr l'invitation glaciale de l'épouse vexée. Je revêtis pour l'occasion ma mine d'amante victorieuse; sourire moqueur, tête haute, regard condescendant.
Madame avait, pour sa part, endossé les allures fières et valeureuses de la femme trompée prête à tout pour rentrer en possession du bien qui lui avait malencontreusement glissé des doigts.
Les politesses accomplies, la tasse de thé offerte mais refusée, nous en vînmes au noeud du problème.
Elle demande ---Alex, tu vas choisir. C'est elle ou bien moi. (la voix était très ferme, mais le menton tremblotait de rage).
Silence de cironstance. Je pris une longue respiration, portai mes épaules en arrière et fis un grand sourire à Alex.
---Je t'ai posé une question... Si c'est elle, tu prends une petite valise.
Si c'est moi, elle déguerpit et tu restes avec moi, ta femme, ta maison et tout ce qu'elle contient. Et tu promets de ne plus jamais la revoir.
Nouveau silence pour une nouvelle circonstance. Je posai sur Alex un regard insistant chargé de sensualité. À l'intérieur de moi, je crevais de rire. Il aurait dit qu'il préférait sa femme,
j'aurais joué une belle petite scène très froide, avec promesses à Madame de ne jamais lâcher son mari d'une semelle, d'en devenir l'ombre jusqu'au point d'habiter son esprit totalement et souverainement.
Mais Alex ouvrit enfin sa belle bouche :
---Je prend la petite valise.
Pleurs, hurlements, menaces. L'enfer s'engouffrait dans la maison en même temps que nous en sortions à toutes jambes pour conjurer le sort.
Nous arrosâmes nos émotions dans le premier bar ouvert.
Et notre vie à deux commença. Elle devait durer quatre ans. Une vie incroyable, intéressante, pleine de virements.
Une vie à la campagne, à l'ombre d'une très vieille maison de pierre que nous avons entièrement retapée, pour le plaisir de construire ensemble quelque chose à nous.
*****
Tous deux passionnés, exigeant, fous, nous savions cueillir et goûter de fort moments d'émotion. Nous avons vécu à deux des expériences fascinantes, sensuelles, fantaisistes.
Trop semblables peut-être, nous en sommes arrivés très vite aux engueulades. Alex m'abreuvait d'injures, il était terriblement jaloux.
Il m'accusait d'avoir brisé sa vie, de lui avoir tout fait perdre, j'étais une salope, une nymphomane, une lesbienne. Jamais de ma vie je n'est essuyé autant d'épithètes désagréables.
Pour répondre à ces provocations, je me mis à le tricher. Pendant qu'il travaillait, je sortais en ville.
En réalité, j'avais des rendez-vous galants, avec des hommes, des femmes, souvent avec des gens qu'il connaissait bien.
Combien de fois il m'a attendue des heures durant attablé dans un bar terrasse, tandis que je m'attardais dans les bras d'un autre.
Je tentais par tous les moyens de le pousser à sortir de son calme et quand j'y parvenais enfin, c'était un véritable bouquet de rancoeurs explosives.
Un soir, ses argument s'avèrent particulièrement...frappants !
C'était l'hiver. J'étais descendue en ville au cours de l'après-midi et j'avais fait tumultueusement l'amour avec un de nos bon amis. Nous étions
maintenant une dizaine de copains attablés dans un bar de la place Jacques-Cartier, et mon amant se tenait à mes côtés. Nous faisions pas mystère de nos amour.
J'avais téléphoné à Alex pour l'avertir de ne pas m'attendre de la nuit. Il fesait une énorme tempête de neige et j'irais dormir chez ma mère. Mais
il ne voulait rien entendre. Il me somma de rentrer à la maison- à la campagne, à soixante kilomètres de là - et menaça de venir lui-même me chercher.
Je déposai le récepteur avec désinvolture. Ses éclats de voix ne m'impressionnaient plus.
Ils avaient plutôy l'effet contraire, celui de provoquer chez moi l'irrésistible envie de lui tenir tête.
Je retournai à ma table. Et fis soudain le projet incongru d'inviter une de mes copines fort jolie à partager le lit et la nuit avec mon amant et moi.
Assise entre elle et lui, je distribuais également les caresses et les baisers a l'une et à l'autre, selon l'inspiration du moment.
J'étais dos à la porte. Ma copine déclara tout à coup qu'une espèce de fou se tenait depuis plusieurs minutes à l'entrée, le visage collé aux carreaux givrés.
Je me retournai, et reconnus les traits tourmentés de ce cher Alex. Il me fit soudain penser à un chien de garde prêt à bondir sur sa victime.
Je me levai précipitament, entraînant ma copine par la main, et gagnai les toilettes. Le coeur me battait si fort que j'en étais à bout de souffle et comme paralysée. Je restais collée contre le mur, attendant le pire.
Alex ouvrit brusquement la porte. Il était livide de colère. Il s'approcha de moi, les poings serrés. Ses yeux me parurent immenses.
---Suis-moi immédiatement !
Sa voix était étonnament calme, mais il mordait dans chacun de ses mots. Je me mis à trembler. Mais je n'accepte jamais un ordre.
Non !
Alex me saisit aux épaules, me poussa vers la sortie. Je me mis à hurler de peur, criant qu'il allait me tuer. Peut-être en avait-il l'intention, peut-être mes cris déclenchèrent-ils chez lui un accès de violence,
tout ce dont je me souviens, c'est d'avoir ressenti une douleur soudaine et sourde en plein visage. Sous le choc du coup de poing,
j'allai rebondir sur le mur opposé et ma tête cogna bruyamment contre les carreaux de céramique. Je perdis conscience.
Alex s'enfuit, bouleversé. Ma copine me releva, appliqua sur mon visage tuméfié des serviettes dégoulinantes d'eau fraÎche. Peu à peu, je reprenais mes esprits, j'ouvrais les yeux, tentais de
déchiffrer les images brouillées qui flottaient autour de moi. Dans le grand miroir, au-dessus des lavabos, je vis se rouvrir la porte, et Alex entra. Penaud, pitoyable. Il s'excusait, me suppliait en bafouillant de rentrer avec lui.
J'avais encore trop peur. Je refusai, alléguant que j'irais plutôt dormir chez ma mère. Il repartit.
Je préférai passer la nuit chez mon amant de ce jour-là, m'y sentant beaucoup plus en sécurité.
Le lendemain matin, j'allai chez mes parents. La voiture d 'Alex s'y trouvait. J'allais rebrousser chemin pour ne pas le voir, quand il sortit de la maison.
Ses yeux cernés, ces joue creusées exprimaient assez sa détresse. Il suppliait de tout son corps. Il pardonnait tout, s'humiliait, promettait de ne jamais plus porter la main sur moi, étalait sa crainte de me perdre.
J'acceptai un compromis : je rentrerais à la maison de campagne le lendemain.
Nous étions samedi. Mon copain de la nuit m'avait offert de l'accompagner le soir même à une réception chez des amis à Québec.
La fête dura 2 nuits et 2 jours. Je réintégrai le foyer "conjugal"le mardi suivant.
Alex m'attendait. Il m'accueillit d'un pauvre sourire, ne demanda aucune explication. Me sentant de bonne humeur, j'y allai de quelques promesses, comme celles de ne plus jamais découcher et d'être une bonne fille.
Nos retrouvailles se prolongèrent ensuite sous les draps de notre grand lit de cuivre.
Trois jours plus tard, je célébrais la fête des corps dans les bras d'un de ses camarades.
Je lui téléphonai de venir me chercher. Sa réponse fut sèche et brève :
---Trouve quelqu'un d'autre pour te ramener !
---C'est tout trouvé, merci !
Devant la grande galerie de notre maison, étalés sur la neige, mes vêtements, mes livres, tous mes objets traçaient comme une étrange courtepointe.
L'histoire était finie, Alex venait de tourner la toute dernière page. Je savais pourtant que cela devait arriver, j'avais tout mis en oeuvre pour cela. C'est moi qui avais provoqué tout ce gâchis.
Mais j'arrivais difficilement à y croire. Le choc fut long à s'atténuer. Mes souvenirs s'attardaient sur de tendres journées à la campagne dans la lumière crue des hivers. dans le rayonnement
chatoyant des été ; sur des soirées lascives déroulées devant le foyer brûlant ; sur les après-midi joyeux à décaper nos meubles, sur les promenades, les baisers, la douceur des regards.
*****
Je revis mon blond artiste quelques années plus tard. Il était heureux de me voir et me remercia très sincèrement des années passées avec lui. Je l'avais aidé, disait-il.
Il vivait maintenant avec une autre femme et semblait avoir trouvé ce qu'il cherchait.
J'ai dernièrement appris par la voie des journaux la mort d'Alex, victime d'une sordide affaire
passionnelle. Je suis retournée rôder autour de notre vieille maison. Je n'arrive pas à m'attrister, mais je ressens très distinctement un vide bête.
Comme lorsqu'on coupe d'un geste sec le son d'une radio qui tonitruait depuis des heures.
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