Roman

Madame L'ambassadrice
(James) . (17)

La plage est déserte. Les dernières lueurs du crépuscule teintent le sable. Gris, comme le fin crachin qui humecte son visage, comme les vagues lentes d'une mer plombée. Sandra s'est assise sous un pin. Elle joue à ne pas savoir que ses pas devaient la conduire à cet endroit.
Elle regarde la mer, essayant de rassembler ses esprits. Elle ne parvient pas à éprouver de haine pour Marc. Rien qu'un immense dégoût. La vengeance est une idée trop abstraite. Réparation, réajustement, voilà les mots auxquels elle pense. Défaire ce qui a été fait et remettre sa vie en place. Tout a commencé hier..., mais elle sait bien que son destin s'est joué six ans plus tôt, à l'endroit précis où elle est assise. Il lui semble à présent que le temps n'a pas oeuvré en sa faveur. Elle a cru courir plus vite que ses souvenirs.
Un filet de sable s'écoule de sa paume. Encore une fois, il lui faut agir pour continuer à vivre. Elle se lève, retourne vers la voiture noire garée en bordure de la route. Elle sait ce qu'elle doit faire.
Elle retrouve James et Marc comme elle les avait quittés :assis face à face dans le salon de la villa, ils se surveillent. Les derniers mots de son mari sont encore dans l'air, obscènes dans leur simplicité, lourds de tout un passé qui tarde à mourir.
Elle est debout devant eux, les cheveux ébouriffés et humides, les lèvres luisantes. Elle sent qu'ils la désirent à cet instant avec une force que rien ne pourrait arrêter.

--Je t'accorde ta faveur, dit-elle sans préambule. Mais moi aussi j'y mets une condition.
Elle les regarde tour à tour, et pour la première fois depuis deux jours elle se sent bien.
--Je ferai l'amour avec toi, reprend-elle, et avec James.

Elle lit son triomphe sur le visage de Marc. Il hoche lentement la tête. Sans un mot, James la regarde se diriger vers la chambre qu'il a quittée six années plus tôt. Tout en marchant, elle enlève ses vêtements, qu'elle laisse tomber sur le sol.
Ils hésitent tout d'abord puis se lèvent et la suivent.
Lorsqu'elle arrive dans la chambre, elle est nue.
Ils n'osent pas s'approcher. Ils restent debout sur le seuil de la pièce, attendant un signe.

--Vous m'aimez tous les deux, n'est-ce pas ? demande-t-elle d'une voix claire.
Dans leurs yeux, elle lit une réponse sans équivoque.
--Alors, prouvez-le-moi !
Elle vient les chercher, les prend par la main et les entraîne vers le lit.

Marc la touche le premier. Ses mains sur ses seins sont glacées. Lentement, elles se réchauffent, glissent sur la croupe ronde de Sandra. Il cherche sa bouche. Mais elle se dérobe. Elle regarde James.

--Déshabille-toi, dit-elle à Marc.

Il se redresse, enlève rapidement ses vêtements.
Sandra s'est approchée de James. Elle l'embrasse à pleine bouche, se colle à lui. Elle le sent frémir. Il caresse son corps avec lenteur, presque avec vénération.
Dans son dos, elle sent la verge de Marc. Dure, impatiente. Il l'attire contre lui et s'allonge sur le lit, l'entraînant. Pris d'une soudaine frénésie, il embrasse ses seins, les tète avec avidité. Puis sa bouche descend jusqu'au triangle flamboyant, glisse dans le creux chaud et humide.

--Oui, lèche-moi, dit-elle.
Marc glisse ses deux mains sous les fesses de Sandra, soulève son pubis et y plaque sa langue.

Elle attire James à elle. Elle veut son sexe dans sa bouche.
Quand elle sent la chair brûlante contre ses lèvres, elle frissonne.
Marc s'est redressé.

--Sandra, je veux te prendre ! Laisse-moi te prendre.
Elle gémit. Ses hanches se soulèvent comme pour l'appeler.
La verge de James quitte sa bouche au moment où celle de Marc entre en elle. Elle a un hoquet de plaisir.
--Faites-moi jouir !
Le corps de Marc couvre le sien. Sexes confondus, hanches collées, ils suivent le rythme que leur impose leur désir.
--C'est bon, si bon !
Marc se déchaîne, comme s'il voulait tout effacer, ne laisser en elle que la trace de son corps.
Elle sent Marc prêt à exploser. Elle ouvre les yeux.
--Non, attends ! Pas comme ça ! Attends !
Il s'arrête, le visage douloureux. Il la regarde sans comprendre.
--Je vous veux tous les deux, dit-elle.
Elle regarde James, et ajoute :
--Comme la première fois. Allonge-toi.
Elle se dégage de l'étreinte de Marc, se coule contre James. Puis elle l'enjambe et se laisse doucement glisser sur sa verge tendue. Ses mouvements sont harmonieux, précis, choisis pour son propre plaisir et celui de James. Sa respiration est rauque. Les yeux fermés, James se laisse aller à sa caresse. Elle crie :
--Je veux jouir !
James ouvre les yeux et lui sourit.
--Tu es belle !
Elle se penche sur lui, s'allonge, l'embrasse. Elle accélère le rythme de ses hanches.
--Marc, prends-moi ! Derrière !
Résigné, il se place derrière elle, s'accole à ses fesses. Son sexe la force doucement.
Elle s'immobilise dans un cri. Pendant un instant, elle prend son plaisir de leurs deux verges réconciliées en elle.
--Emplissez-moi, dit-elle.
Et lentement ils se mettent en mouvement, espérant chacun la posséder. Sandra a fermer les yeux. A cet instant, les hommes de sa vie, ceux qu'elle a oubliés, aimés, rejetés, gardés, ne font plus qu'un, réunis en un sexe double qui la déchire et la broie.
Son corps se courbe. Elle halète, cherche une bouche, un visage. Elle trouve celui de James.
--Sandra, je t'aime ! crie Marc.
Il a un soubresaut puis se laisse aller contre son dos.
Le corps de James se tend. Il paraît souffrir. Un souffle rauque s'échappe de ses lèvres et ses traits se relâchent. Il répète le nom de Sandra, comme une litanie.
Elle ne dit rien. Elle jouit. Elle triomphe.



Un pâle soleil éclaire la chambre, dessinant aux murs des reliefs dorés. Sandra se réveille au contact d'une verge dure.
--Je te regardais dormir, dit-il. C'était beau. Tu avais l'air d'une enfant. Beau et terrifiant.
--Pourquoi ? demande-t-elle en se coulant contre lui.
--Parce que tu ne l'es plus.
Elle a un rire cristallin, frais. Peut-être délivré, pense-t-il en la serrant dans ses bras.
Elle sait que quelque part sur la Méditerranée le Rosebud s'éloigne vers le levant.
A son bord, un passager solitaire regarde disparaître la côte.


FIN